©Yann Le Sacher
Bonneville-les-Artichauts ? Le salon ? Vous l’avez fait ? Pas un chat d’accord, mais on y mange bien !
Auteurs. Nouveaux touristes de la littérature ! Parce qu’on fait un salon comme on fait la Grèce ou le Japon.
Parce qu’on y a parfois ses habitudes. Son rond de serviette. Tels ces aventuriers aux petits pieds, on s’inquiète du menu du midi, du temps ou de la saison qui vidant les allées emplissent les plages ou les estaminets. Trop de soleil ! Trop beau ! Trop froid ! Trop de pluie ! Trop tout. Trop n’importe quoi ! Y’aura personne !
Là on vend bien ! Là on vend rien ! Ça se murmure sous le manteau. Ça se dit, d’accord, mais pas trop. Jamais ravi de faire fanny ! Jamais fiérot.
Des rencontres ? Dame, on en fait ! Et de fort belles. Des amis même, au fil des ans. Commensaux de galères ou de best-sellers, on se retrouve. Voisins de tables et de littérature.
Des amis, oui ! Mais pas que… Il en est de tout sérieux et d’ennui tout pétris ! Ce sont eux que l’on fuit, que l’on guette et qu’on épie dès l’arrivée sur les lieux. Par chance, il y en a peu. On se les refile. Et lâchement parfois aussi, on se défile.
Grands salons. Petits salons. Votre notoriété s’effrite vitesse grand V – qu’importe la taille du salon – et s’offre ipso facto quelques belles leçons de saine humilité.
Mais aujourd’hui le temps est idéal, la presse a fait son job, la com’ fut irréprochable et ça bouchonne parmi les tables !
Ineffable bonheur des auteurs ! Enchantement ravi des organisateurs !
Survient alors le lecteur ou la lectrice ! Attendu, espéré, choyé, cajolé, il se pointe. Il en est de tous poils et de bien des espèces. Le stand est un îlot. Bernique transitoire, il s’y agrippe soudain. Pas l'intention,
d'acheter, ni même de feuilleter. Ça se flaire au juger ...
Il cause. Il s’obstine. Il s’enflamme, les deux poings sur le stand, malaxant vos ouvrages au plus tempétueux de sa rage. Il vous regarde enfin sans un œil pour vos livres et lance un « c’est vrai, quoi ! », mystérieux, ivre et sans réponse. Puis il tourne les talons pour se déverser plus loin chez une autre victime.
Sous le film graisseux vos couvertures respirent.
Vous, vous soupirez !
Il vous faut un café. Au fond de la halle, le bar est ouvert. Petit veinard, il vous reste un ticket gratuit. Les heures passent. Les visiteurs aussi. Sans s’arrêter non plus.
C’est ainsi que se tracasse, l’auteur en dédicace.